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Publication d'études iconologiques et historiques sur les grafitti médiévaux.

LA TRIPLE ENCEINTE COMME SYMBOLE ARCHITECTURAL (2)

NOTES ET BIBLIOGRAPHIE

(1) Cf. Jean Mesqui, La tour maîtresse du donjon de Loches dans Deux donjons construits autour de l'an mil en Touraine. Langeais et Loches, Paris, 1998, p. 71-72 / Edmond Gauthier, Histoire du donjon de Loches, Châteauroux, 1881, p. 58.

(2) L'usage de la doloire pour trancher la tête des criminels remonte au XVe siècle en Angleterre (E. Viollet-Le-Duc, Dictionnaire raisonné du mobilier francais de l'époque carlovingienne à la renaissance, t. 2, Paris). On utilisait aussi la doloire comme "instrument de ménage" pour la coupe des taillis (cf. le mois de décembre du Bréviaire de Belleville, v. 1323, Paris, B. N.)

(3) Cité par Victor Gay, Glossaire archéologique du Moyen Age et de la Renaissance, t. 1, Paris, 1887.

(4) Cf. Jacques de Cessoles, Le livre du jeu d'échecs ou la société idéale au Moyen Age, XIIIe siècle, traduit et présenté par Jean-Michel Mehl, Paris, 1995.

(5) Jean-Michel Mehl, op. cit. Le terme de "marinier" a désigné plutôt le nautonnier aux XIXe et XXe siècles, mais il ne semble pas qu'il en ait été de même au Moyen Age (Cf. J. et C. Fraysse, Vie quotidienne au temps de la marine de Loire, Cholet, 1972, p. 105). Le texte de J. de Cessoles indique qu'à cette époque les charpentiers assuraient la double activité de charpentier de bâtiments et de nefs. On a ainsi très justement remarqué des analogies de forme entre la coque d'un navire et certaines charpentes d'église couvrant la nef. Les charpentiers de marine appélé encore feseurs de nez ou charpentiers de nés appartenaient au XIIIe siècle à Paris à la corporation des charpentiers, et furent donc placés sous l'autorité de 1er charpentier du roi (Cf. A. Franklin, Dictionnaire historique des arts et métiers et professions exercées dans Paris depuis le XIIIe siècle, Paris, 1905). Les nautonniers durent être informés des techniques de charpenterie puisqu'ils emportaient encore au XXe siècle un coffre contenant les outils de charpenterie nécessaires aux réparations d'urgence. Ils consacraient de plus fréquemment leurs loisirs à la confection de petits meubles et objets d'apparat en bois (J. et C. Fraysse, ibid).

(6) Cf. Histoire générale de Paris, Les métiers et corporations de la ville de Paris, XIIIe siècle. Le livre des métiers d'Etienne Boileau, publié par René de Lespinasse et Francois Bonnardot, Paris, 1879.


(7) A. Franklin, op. cit.


(8) M. Noël - A. Bocquet, Les hommes et le bois. Histoire et technologie du bois de la préhistoire à nos jours, Paris, 1987.

(9) Cf. Daniel Boucard, Les haches, Paris, 1998, pp. 63-85 / Jean-Fr. Robert, L'herminette et la hache, dans Cahiers du Musée du bois, n° 13, Lausanne, mars 1991.


(10) Jean-Fr. Robert, op. cit. p. 22.


(11) Paris, Musée des Arts Décoratifs. Sur l'échiquier de J. de Cessoles, la serpe est emblématique du paysan.


(12) Je souhaite rectifier ici l'information que j'avais communiquée à J.-M. Couderc lors du colloque de Verneuil (publiée dans les Actes des "Premières Rencontres Graffiti Anciens" à Loches en Touraine - Verneuil-en-Halatte, 2001, p. 40) concernant l'existence d'un graffiti de serpe sans nason à Loches, et qui est manifestement erronée. Ma mémoire m'a joué des tours!... Je pensais bien plutôt aux serpes de Gisors.

(13) La doloire fut par ailleurs un emblème héraldique. Elle a été fixée dans son type rectangulaire, avec un manche très court, et représentée verticalement c'est-à-dire en pal. On trouve également des doloires dans certaines marques commerciales : enseigne de boucher de la place des veaux à Paris, marque de l'imprimeur Etienne Dolet en guise d'arme parlante (Jean Céard- Jean-Claude Margolin, Rébus de la Renaissance, t. 2, Paris, 1986, p. 245).

(14) Nous avons vu qu'on trouve à quelques reprises l'association doloire-hache dans le donjon de Loches. le passage de charpentiers, attesté par un compte de dépenses faites en 1358 et 1359 (archives municipales de Tours. Cf. Congrès archéologique de France, XXXVIe session, à Loches) est confirmé par au moins un graffiti du couloir sud-ouest du 2e étage: il s'agit d'un schéma de charpente de moulin à pivot. Certains graffiti de nef dans ce même donjon doivent être probablement attribués à des charpentiers.

(15) A. Franklin, op. cit.

(16) J. A. Brutails, Précis d'archéologie du Moyen Age, Toulouse-Paris, 1936, PP. 159 et 167.

(17) Documentation fournie par Christian Wagneur.

(18) En outre, parmis les figures à caractère géométrique de cette bâtisse (losanges, demi-cercles à multiples rayons dont le centre irradiant est un pentagramme ou une rouelle à six ou sept branches, décoration fréquente sur les fermes de Basse-Saxe) on voit représenté un arbre, peut-être l'arbre de vie. On peut rappeler à ce propos que la "triple enceinte" sculptée au XIIe siècle sur un pilastre de l'église d'Aregno (Corse) surmonte la représentation d'un arbre biblique: il s'agit cette fois-ci de l'arbre de la chute qui étend ses branches chargées de fruits vers la croix de la rédemption. Le symbolisme du bois est dans les deux cas nettement marqué, en corrélation avec une "triple enceinte". Selon Friedrich Berger, les figures géométriques du bâtiment offraient une protection symbolique à ses occuppants, ce qui pourrait appuyer l'idée que la "triple enceinte", cependant unique dans un tel contexte à sa connaissance, aurait bien possédé une valeur apotropaïque.

(19) Le concept de "Moyen Age" a été introduit par les Humanistes à partir de Giovanni Andrea, bibliothécaire du pape, en 1469.

(20) Cf. Hervé Poidevin, La pierre du songe ou l'invention de la triple enceinte, étude et ref. sur ce blog.


(21) Cf. Hartmann Schedel, La chronique universelle de Nuremberg. L'édition de 1493 coloriée et commentée. Introduction et notes de Stephan Füssel, Cologne, 2001.


(22) Chronique universelle, op. cit. f° LXIII v°-f° LXIV r°


(23) Cf. Matthieu, 24, 2 - 27, 40.

(24) Cf. Ezéchiel, 40-48.

(25) Cette partie de l'enceinte est close car c'est l'endroit le plus proche du Saint des saints.


(26) Le point central de l'édifice est constitué par l'autel: "Ce lieu, d'après Maïmonide (Beis HaBechirah, ch. 2), est d'une signification vitale et universelle car il s'agit de l'endroit précis où eurent lieu toutes les édifications d'autel, d'Adam à Salomon: celui d'Isaac, celui de Noé après sa sortie de l'Arche, celui de Caïn et Abel et celui d'Adam lorsqu'il a été créé" (M. Lapidus, La pierre cubique, Fuveau, 2003,
p. 72).

(27) On peut citer comme exemple le châtelet d'entrée d'Aubigny-sur-Nère (Cher). La porte orientale du Temple a en outre une importance symbolique toute particulière: il est dit qu'elle doit restée fermée car c'est par elle que Dieu est entré (Ez. 44; 2, 3), ce que les exégètes chrétiens ont interprété comme une préfiguration de la virginité de Marie.

(28) Mary Carruthers, Machina Memorialis. Méditation, rhétorique et fabrication des images au Moyen Age, Paris, 2002 pour la traduction francaise, pp. 303-304.

(29) Liber de promissionibus et praedictionibus Dei, cité par Patrick Négrier dans Textes fondateurs de la Tradition maçonnique, 1390-1760, Paris, 1995, p. 310.


(30) Cité par J. Le Goff dans Un autre Moyen Age, Paris, 1999, p. 958.


(31)
Cf. André Bonnery, Mireille Mentré, Guylène Hidrio, Jérusalem, symboles et représentations dans l'Occident médiéval, Paris, 1998, pp. 283 à 287.


(32) Ce type de pratique expliquerait (au moins pour une part) pourquoi les grandes réformes monastiques furent avant tout des réformes architecturales.

(33) Cf. Mary Carruthers, op. cit. p. 305 et suiv. Les Victorins s'inspirèrent des Platoniciens de l'Ecole de Chartres. Leur doctrine se situe dans le courant de saint Augustin et de Denys le Mystique. Les références à saint Jérôme, père du courant exégétique chrétien du livre d'Ezéchiel, et à Grégoire le Grand, y sont fréquentes (Cf. M.-M. Davy, Initiation médiévale. La philosophie au XIIe siècle, Paris, 1980, pp. 154
à 157).

(34) A. Bonnery, op. cit. p. 305 et suiv. Les Humanistes chrétiens critiquèrent Rome et furent partisans d'une réforme modérée. Résolument christocentriques, souhaitant retrouver la pureté des origines, ils délaissèrent la scholastique pour l'exégèse biblique et développèrent à cette fin, parallèlement aux études grecques et latines,des études hébraïsantes en étroite collaboration avec des érudits israëlites ou des Juifs

convertis au Christianisme. Les contacts entre Juifs et Chrétiens ne furent nulle part plus évidents que dans l'imprimerie. De grands imprimeurs de textes classiques se lançèrent dans l'impression de textes en caractères hébreux, souvent avec l'aide de typographes et d'artisans juifs. Les Postilla in Bibliam de Nicolas de Lyre, qui citent Rachi et d'autres autorités rabbiniques, constituèrent la première édition imprimée d'un commentaire chrétien de la Bible. Le commentaire du Talmud que fit Rachi (et qui sera poursuivi par ses disciples) fut quant à lui le premier livre imprimé en Hébreu.
Cependant  l'usage de la langue hébraïque en milieu spécifiquement chrétien est toutefois attesté dans les milieux de constructeurs dès le XIIIe siècle (Cf. Jacques Thomas, L'inscription AGLA YAH du carnet de Villart de Honnecourt, dans Ce "G", que désigne-t-il?, Milan, 2001, p; 27 et suiv.).

(35) Stephan Füssel, op. cit. p. 644.

 

(36) J'avais déjà signalé en note de  mon étude La pierre du songe ou l'invention de la Triple enceinte, qu'il fallait peut-être chercher dans des sources iconographiques spécifiquement juives (manuscrits ou incunables) des représentation du Temple ayant une réelle parenté de style avec la gravure de la Chronique, et donc avec la "triple enceinte", mais je n'ai pu hélas entreprendre ce travail. Il semble en effet que la tradition judaïque d'un temple carré avec trois enceintes concentriques soit véritablement "antique" puisque le Temple des Esséniens (?) est ainsi décrit dans un des rouleaux des grottes de Qoumrâm. Le manuscrit appelé "rouleau du Temple" fut rédigé au moins un siècle avant qu'on n'entreprenne la reconstruction du temple de Salomon et décrit un Temple-ville (on a calculé que la superficie totale de l'enceinte du Temple était celle de Jérusalem au IIe s. av. J. C.) comportant douze portes (du nom des douze fils de Jacob) sur les deux premières enceintes (extérieure et médiane) et quatre orientées selon les points cardinaux sur l'enceinte intérieure (ou se trouve le Temple proprement dit). L'édifice resta à l'état de projet; mais était-il seulement destiné à être construit? (Cf. Ygael yadin, Le rouleau du Temple: le plus long rouleau de la mer morte, avec en appendice le plan du Temple; Magen Broshi, Le gigantisme du Temple visionnaire dans le Rouleau du Temple, dans L'aventure des manuscrits de la mer morte, sous la direction d'Hershel Shanks, Paris 1996 pour la traduction francaise, pp. 137 à 165).

(37) Sur ce sujet, on consultera avec profit la thèse très complète de Vincent F. Hopper: La symbolique médiévale des nombres, Paris 1995 pour la traduction francaise.

(38) Traduction J. N. Darby, Valence, 1977.  La description de la Cité céleste se trouve dans Apoc.
21-22. L'iconographie médiévale place ordinairement les douze portes sur le mur d'enceinte de la ville. Elles correspondent d'après l'Ecriture aux douze tribus d'Israêl (la reliant ainsi typologiquement au Temple des Hébreux); et pour certains commentateurs, aux douze signes du zodiaque, rappelant ainsi le caractère cosmologique de la ville nouvelle. le duodénaire est encore plus marqué dans une gravure extraite du Liber de intellectu... de Charles de bouelles (Paris, 1509) par une structure graphique à "enceintes" successives dans lesquelles sont notées diverses correspondances symboliques du nombre. L'image accompagne un petit traité de la vertu des nombres et illustre le nombre douze, produit du nombre métaphysique trois, et du nombre physique quatre. Le schéma inclut l'histoire sainte, la hiérarchie cosmique (éléments et cieux), la hiérarchie spirituelle (clergé et choeur des anges), les vertus, les prophètes, les apôtres, les pierres précieuses aux propriétés occultes et les tribus d'Israël (Fig. 1)

 

Fig. 1: la Jérusalem céleste  selon Charles de Bouelles, Liber de intellectu... Paris, 1509 (source:
A. Chastel, R. Klein, L'humanisme. L'Europe de la Renaissance, Paris, 1995).



Le concept trouvera encore des applications au XVIIe siècle chez Athanase Kircher (Arithmologia, Rome, 1665). Au XVe siècle, l'alchimiste anglais George Ripley fait du symbole des douze portes l'image de l'opus magnum et du passage par les douze phases de l'oeuvre.
Je ne peux manquer de rappeler ici que l'hypothèse selon laquelle la "triple enceinte" serait une représentation de la Jérusalem céleste a d'abord été formulée (puis abandonnée) par l'hermétiste chrétien et archéologue Louis Charbonneau-Lassay en 1929, sans qu'il apporte jamais aucun élément concret pour l'étayer. R. de la Torre Martin-Romo a traité ce sujet, rejoignant par des voies différentes certaines conclusions de la présente étude,  mais uniquement sur la base des études de R. Guénon et L. Charbonneau-Lassay qui (quelque soient par ailleurs l'intérêt et de leurs travaux) ne procèdent trop souvent que par affirmations et ne permettent pas d'établir les choses avec certitude (Cf. R. de la Torre Martin-Romo, Pervivencia, simbolismo y function de los signos lapidarios: notas sobre los "Tableros cuadratos", dans Actes du colloque international de glyptographie de Cambrai, Centre International de Recherches Glyptographiques, 14-15-16 septembre 1984).

(39) Tenture de l'Apocalypse, entre 1374 et 1381, musée des tapisseries d'Angers.

(40) Publiée par J.-M. Perouse de Montclos dans Architectures en Région Centre, Paris, 1988, p. 434.

(41) Cette interprétation se fonde sur Apoc.20; 7, 10 et 22; 15: "Et ils (les démons) montèrent sur la largeur de la terre, et ils environnèrent le camp des saints et la cité bien-aimée (...). Dehors sont les chiens, et les magiciens, et les fornicateurs, et les meurtriers, et les idolâtres,et quiconque aime et fait le mensonge" (trad. Darby).

(42) Caïn est mentionné dans le Cooke comme "maïtre maçon" et constructeur de la cité d'Hénoch, considérée comme le prototype de toutes les cités.

(43) Maïtre Francois, illustration d'un manuscrit de la Cité de Dieu, entre 1469 et 1473, Paris, B. N. fr. 18, fol. 3 v° (Cf. Charles Sterling, La peinture médiévale à Paris, 1300-1500, Paris, 1990, t. II, p. 196).

(44) La tarière est peut-être une allusion à la crucifixion, comme le montrent certaines images relatives à cet épisode de la vie du Christ.
Dieu est architecte parce qu'il a, comme créateur de l'univers, "tout disposé avec mesure, nombre et poids" (sag. XI, 20). Ce ternaire de propriétés, fondement de la géométrie médiévale, était considéré comme un vestige de la Trinité dans la Création. A partir de lui, l'esprit était susceptible de remonter vers Dieu (Cf. saint Bonaventure (+ 1274), Itinerarium mentis in Deum -Itinéraire de l'esprit vers Dieu-, trad. H. Dumery, Paris, 2001). Pour saint Thomas d'Aquin surtout, le Dieu créateur et ordonnateur de l'univers est un architecte, qui entretien avec sa création le même rapport que l'ouvrier avec son oeuvre d'art. Il concoit d'abord dans sa pensée, c'est-à-dire sa parole intérieure, son verbe, ce qui n'existe pas encore, les "formes" non extériorisées, et qui les coordonne lorsqu'elles le sont, dans la connaissance de leur fin, de leur comportement, de leur proportion (Cf. F. Cali, S. Moulinier, L'ordre ogival, Paris, 1963). Le Dieu architecte est un Dieu pensant, et cette pensée est "mesure": ainsi Nicolas de Cues conjectura que le mot mens (en latin, partie supérieure de l'âme, esprit) se rattachait étymologiquement à mensura, mesure (Cf. J. Thomas, op. cit. Cette idée est empruntée à Isidore de Séville, Etymologies, livre 15, XV). Pour des références scriptuaires complètes concernant le Dieu-architecte ou bâtisseur, cf. J. Hani, Dieu architecte et maçon, dans Les métiers de Dieu, chap. VI, Paris, 1975.

(45) Sur la "proportion juste" et la "mesure juste", cf. note 58.


(46) Une légende clunisienne rapportée dans un manuscrit (v. 1180) relate que le plan du nouvel édifice (destiné à remplacer Cluny II) fut révélé en songe au moine Gunzo par l'apôtre Pierre. Une image montre ce successeur d'Ezéchiel alité à l'infirmerie alors que les saints Pierre, Paul et Etienne mesurent au moyen de cordes le tracé de la future construction (B. N. ms lat.17716, f° 43. Cf. Mary Carruthers, op. cit. p. 286-287. Cette dernière note par ailleurs qu'"en matière de d'architecture, il allait quasiment de soi que les grands projets monastiques prenaient d'abord naissance dans une "vision" et (...) qu'ils suivaient le modèle (du songe) défini par Ezéchiel").

Les modèles tirés de l'Ecriture ou de monuments à forte charge symbolique (comme ceux de Jérusalem) sont cependant rarement suivis servilement. Les copies peuvent ne retenir que quelques éléments architecturaux ou emblématiques du monument. La dédicace suffit parfois seulement à commémorer l'original (Cf. Richard Krautheimer, Introduction à une iconographie de l'architecture médiévale, Paris, 1993 pour la traduction francaise). On trouve trace de ce principe dans l'iconographie de Jérusalem: elle ne restitue pas nécessairement la réalité historique, topographique ou architecturale de la ville, mais montre souvent des architectures purement signalétiques faites d'éléments composites à caractère symbolique, notamment numéral. La jérusalem terrestre et la Jérusalem céleste obéissant à deux types iconographiques distincts, peuvent en outre voir leurs éléments se mélanger. Ce qui importe avant tout est la reconnaissance d'une filiation spirituelle, donc typologique, qui ramène de copie en interprétation, au modèle initial. Autant dire que la pensée médiévale échappe généralement à toute idée de "reconstitution". La filation ne semble souvent réelle qu'au plan des principes, par exemples géométriques ou topographiques, ce qui ne laisse pas, à défaut d'une grille d'interprétation convenable, d'en rendre aujourd'hui la lecture difficile; d'autant qu'ont été également retenus par les constructeurs des données issues de l'Antiquité gréco-romaine.

(47) Cité par Patrick Négrier, Textes fondateurs de la Tradition maçonnique, 1390-1760, Paris, 1995,
p. 20. Sur les références salomoniennes dans le rituel de dédicace des églises, cf. Bénédicte Palazzo-Bertholon et Eric Palazzo, Archéologie et liturgie. L'exemple de la dédicace de l'église et de la consécration de l'autel, dans Bulletin monumental, t. 159-IV, 2001.

(48) Ce manuscrit conservé au British museum, du nom de son premier éditeur (1861) Mathew Cooke, est une copie de deux documents qui devaient exister dès 1395. Il est écrit dans le dialecte qui était parlé dans le centre sud-ouest de l'Angleterre vers la fin du XIVe siècle, par un prêtre ou un clerc érudit (ou par plusieurs personnes selon d'autres). D'après Patrick Négrier, l'histoire du métier relatée dans ce texte est un enseignement voilé sous un certain nombre d'allégories (P. Négrier, op. cit. p. 57). 

(49) Patrick Négrier, op. cit. p. 62 et suiv.


(50) La valeur signalétique du plan, parfois de l'édifice tout entier sous la forme d'une maquette, est manifeste dans certains portraits d'architectes ou de donateurs. Elle l'est aussi dans certains graffiti, comme dans ce schéma du plan rappelant l'église du Temple de Paris, gravé sur les murs de l'église de Chataincourt (document de M. Leblond). On peut noter aussi que la nef ecclésiale ou le calvaire (avatars du Temple en terme de typologie) ont leurs pictogrammes dans les graffiti, avec diverses variations biens connues. Le calvaire fut d'ailleurs utilisé à Loches comme base graphique pour la réalisation de dessins architecturaux.
Par ailleurs, la "marelle simple" qui a son équivalent dans l'emblématique héraldique ("gironné en bannière") mais n'y constitue pas sous son appellation de "marelle" un signe particulier, a engendré l'adjectif "marellé" qui servit à décrire (au moins sous l'Ancien régime) des meubles disposés en marelle, comme les chaînes de Navarre qui furent portées par le roi de France. Il est pour le moins remarquable de noter, pour notre sujet, que le dessin de ces chaînes, comportant selon les époques, une, deux ou trois "enceintes" successives, servit de plan pour la construction de la ville d'Henrichemont, dédiée par Sully à Henri IV.

(51) "Anciens devoirs" ou "Old charges" sont des appellations utilisées par la Franc-maçonnerie spéculative. Elles désignent un ensemble de 130 manuscrits d'origine "corporative" étalés entre 1390 et 1722, dont il est admis qu'ils servirent de base à la rédaction des "Constitutions" d'Anderson éditées à Londres en 1723 et 1738. On peut noter que l'Angleterre médiévale d'où émanent le Cooke et le Regius ne connaïssait pas d'organisation générale du Métier. Ces textes étaient les statuts de communautés ponctuelles regroupées à l'occasion des grands chantiers.


(52) Il est intéressant de rappeler que pour l'iconographie médiévale, les quadrillages (losangés ou orthogonaux) se réfèrent souvent à la structure cosmique: dans les représentations de la sphère céleste mise en mouvement par les anges par exemple, les quadrillages occupent la majeure partie de la surface (figurée par un plan circulaire divisé en quatre), s'inspirant sans doute de ce passage du Timée de Platon, où l'âme du monde est dite "tissée à travers tout le ciel, du centre à l'extrémité" (trad. E. Chambry, Paris, 1969). Il en est de même des images de la Jérusalem céleste: la surface cernée de remparts et mesurée par l'ange est elle aussi couverte de quadrillages, réaffirmant au passage le symbolisme cosmologique de la Ville nouvelle. Enfin on peut citer les représentations bien connues de l'Arche de Noé: elle est, selon la description scriptuaire, formée de compartiments (répartis sur trois étages), évocant une "grille" orthogonale sur les miniatures ignorant la perspective. Une image du Livre d'heures de Bedford (XVe s.) en donne une interprétation en volume, sous la forme d'une structure de charpente (Fig. 2).


Fig. 2: détail de la construction de l'Arche de Noé, sous la forme d'une maison à structure de bois. D'après le Livre d'heures de Bedford, XVe s (dessin de l'auteur).


(53) Je ne prétends pas que toutes les gravures à caractère géométrique soient le faits d'auteurs médiévaux, mais qu'au moins certaines d'entre elles peuvent leur être hypothétiquement attribuées. La datation est d'autant plus problématique que les milieux artisanaux ont probablement conservé intactes certaines pratiques au cours des siècles, se référant aux mêmes principes. C'est pourquoi il est impossible de dater avec certitude les graffiti de "triples enceintes" en l'absence de toute association caractéristique (figure, texte ou millésime), ainsi qu'elles se présentent dans la plus grande majorité des cas.

(54) Cf. Roland Bechmann, Villart de Honnecourt. La pensée technique au XIIIe siècle et sa comminication, Paris, 1993 (nouvelle édition).

(55) On peut noter que pour l'essentiel, les essais de reconstitution graphique du monument sont postérieures à la fin du XVe siècle: 1540, Robert Estienne et Francois Vatable; 1595, Juan Bautista Villalpando (très lié à l'architecte de l'Escurial); 1689, Bernard Lamy; et même Isaac Newton en 1728, pour ne citer que quelques exemples. Au début du XVIIe siècle, le Prélat luthérien allemand Johann Valentin Andreae (1586-1654), qui fut très certainement à l'origine de la légende d'une fraternité de la Rose-croix, héritera de cette conception du plan pour l'élaboration de sa Christianopolis (Reipublicae Christianopolitanae descriptio, Strasbourg, 1619; Paris, B. N.)
(Fig. 3).

 

 

 Fig. 3: Christianopolis, de J. V. Andreae, 1619. Plan d'une cité utopique (avatar sécularisé de la Jérusalem céleste) dont les institutions sont inspirées de celles de la République de Genève. La conception d'une ville carrée à enceintes successives (ici quatre) et de paln centré, probablement transmise par l'éxégèse médiévale aux milieux humaniste et réformés, est directement inspirée de celle du Temple d'Ezéchiel (source: Utopie. La quête de la société idéale en Occident, sous la direction de L. Tower-Sargent etde R. Schaer, Paris, 2000). 



(56) Comme le rappelle le Cooke, la géométrie "réalise" toute oeuvre manuelle. L'acte de mesurer (c'est-à-dire partager l'espace par géométrie) doit être rapporté à la main selon Albrecht Dürer (cf. note 57). Les mains "contournées" accompagnant des figures géométriques dans les graffiti (grille orthogonale à Loches, "triple enceinte" à Esnes) apparaissent vraiment comme une visualisation de cette définition.

(57) Dürer, tout en s'inspirant des foyers artistiques italiens et de leur nouvelle forme de représentation (la perspective), fut un des derniers porte-parole des conceptions géométriques médiévales (Instruction sur la manière de mesurer, 1525; traité sur la fortification des villes, châteaux et bourgs, 1527; traité des proportions du corps humain, 1528): il est d'ailleurs parfaitement explicite sur ses sources: "Aussi est-il nécessaire à quiconque veut aborder l'étude des proportions d'avoir bien assimilé la manière de mesurer et d'avoir bien compris comment toute chose doit être tracée dans son plan et dans son élévation, selon la méthode que les tailleurs de pierre pratiquent tous les jours"  (Traité des proportions, trad. J. Bardy et M. Van Peene, 1995). Pour lui comme pour ses prédecesseurs, "toute créature est définie par son chiffre, son poids et sa mesure" (notion biblique, mais aussi aristotélicienne que l'on retrouve chez Pacioli dans sa Summa de Arithmetica, Venise, 1494). La forme "bien mesurée" est en "ordre juste", c'est-à-dire, selon Dürer, que la partie se trouve liée au tout à l'aide de la proportion harmonieuse. Cet ordre résulte d'une pratique de l'oeil, tandis que la "mesure juste" résulte d'une pratique de la main. La proportion harmonieuse est si importante que, d'après Pacioli, "aucune chose ne peut durer dans la nature si elle n'est dûment proportionnée à sa nécessité"  (op. cit. ).

(58) Cette proportion est le plus souvent déduite du rectangle formé par un double carré. Elle fut connue au Moyen Age bien qu'aucun texte ne la mentionne explicitement avant l'ouvrage du moine franciscain Luca Pacioli (Divina Proportione, Venise, 1509), qui précise qu'il ne fait qu'exposer un ensemble de connaissances remontant à Pythagore, transmises par traditions écrites et orales jusqu'à son époque; et l'architecture au moins en témoigne (moins souvent sans doute qu'on a bien voulu le dire): par exemple, le rectangle d'or organise de façon évidente l'espace du plan de la cathédrale de Dol-de-Bretagne et les proportions du plan du logis du château du Moulin à Lassay-sur-Croisne (Loir-et-Cher) (fin du XVe siècle). Un dessin de Villart de Honnecourt (XIIIe siècle) montre une toiture avec son gable dont le tracé régulateur est une étoile à cinq branches; on sait que la proportion dite "dorée" est contenue naturellement dans cette figure, par ailleurs omniprésente dans les graffiti de Loches.

(59) " (les disciplines) qui se rapportent à la construction des charpentes (c'est-à-dire la géométrie) et, d'une façon générale, à toute opération manuelle, possèdent la connaissance comme si celle-ci était originellement immanente aux actions", au contraire de l'arithmétique, qui est une "discipline de connaissance pure" (Platon, Politique, 258de. Trad. E. Chambry, 1969).


(60) La déduction (Dame déduction louable) dans un manuscrit traitant des douze dames de rhétorique (XVe siècle), est justement figurée par une femme entourée des pièces d'une charpente dispersées au sol. Elle tient dans sa main droite une équerre, ce que la légende en latin explique par "Et ma main droite me dirigea à merveille", et de l'index de sa main gauche se touche le front . A ses pieds est ouvert un livre sur lequel figure la série des nombres. A l'arrière plan est représenté un chantier de charpenterie: des ouvriers équarrissent le bois à la hache tandis que la structure d'une maison à colombages est déjà montée (Cf. R. Klibansky, E. Panofsky, F. Saxl, Saturne et la Mélancolie, Paris,1989 pour la trad. francaise, p. 554). Le livre ouvert aux pieds de la Dame, le doigt sur le front, l'équerre symbolisant la mesure juste, disent assez que ce qui est évoqué est d'abord l'étape de conception, opération essentiellement intellectuelle et toute entière déductive, sans laquelle le bois ne peut être ni taillé ni assemblé. L'image visualise nettement le lien étymologique admis à cette époque entre les termes mens (esprit) et mensura (mesure) (cf note 44). On peut encore noter que le sol forme un quadrillage, matérialisation de la mesure qui "réalise" l'espace. Cette représentaton permet de mieux saisir l'intention qui guida Dürer pour l'élaboration de sa gravure Melencolia-1.


(61) Titus Burckhart, Chartres et la naissance de la cathédrale, Paris, 1995, p. 115.

(62) De Genesi ad litteram. Cité par J. Thomas, La divine proportion et l'art de la géométrie, Paris, 1993, chap. XIII.

(63) Cf. M. Carruthers, op. cit.

(64) Sur la "mesure juste", cf. note 57.

(65) Possèdèrent-ils également des traditions hétérodoxes qui leur fussent propres, transmises seulement oralement sous formes d'initiations spécifiques? Des indices beaucoup plus tardifs que la période qui nous intéresse ici pourraient le laisser penser, cependant cette question est de celles qui, dans le cadre auquel je souhaite me restreindre (tenter d'appréhender les faits à partir des sources iconographiques et textuelles dont nous disposons), sont bien difficiles à éclaircir. On a beaucoup écrit sur le sujet, et si l'on excepte les travaux de quelques très rares auteurs, la question d'un possible ésotérisme (même catholique) est traitée le plus souvent avec la plus grande insouciance.

(66) "Architecte" est employé ici au sens de "concepteur". L'architecte tel que nous le concevons aujourd'hui est le plus souvent appelé dans les contrats ou dans les sommes aedificator ou artifex, notamment à l'époque romane. Au XIIIe siècle, architector semble un équivalent de dux: le terme désigne surtout celui qui patronne l'oeuvre, qui possède un plan et une règle d'action, pas nécessairement celui qui oeuvre (seigneur du bâtiment, évêque ou abbé; un seul homme pouvait parfois assumer les deux fonctions). Pour saint Thomas d'aquin, le terme architector désigne celui qui connaît les raisons des choses qui sont faites et commande à ceux qui les ignorent (1er art. de la Somme théologique, cité par F. Cali, op. cit.).

(67) En Sologne, ces jeux étaient encore appelés "engrange" ou "antipo" (B. Edeine, La Sologne..., t. II, pp. 607 et 609, Paris-La haye, 1970).

(68) A. J. Greimas, Dictionnaire de l'ancien francais. Le Moyen Age, Paris, 1979-1997.

(69) B. Edeine, Le château du Moulin à Lassay-sur-Croisne, dans La Sologne et ses environs, n° 49, juillet 1985, p. 12.


(70) J. Hinout, L'art schématique des abris du Bassin Parisien, Dans Encyclopédie de la France des origines aux gaulois, n° 6, p. 187.


(71) Dictionnaire général et grammatical des dictionnaires francais, extrait et complément de tous les dictionnaires les plus célèbres, par Napoléon Landais, t. 2e, Paris, 1834, p. 446 / A. J. Greimas, op. cit. /
R. Bechmann, op. cit. p. 62.

(72) les modèles ("moles") étaient des instruments de la conception au même titre que le compas, le cordeau, le fil à plomb, etc... c'est pourquoi on les voit représentés sur un vitrail de Chartres. Exécutés en bois ou métal, ils reproduisaient grandeur nature les différentes faces des pierres, tandis que les "gabarits" en indiquaient la section (profils de moulure, corniches, etc...). Moles et gabarits permirent la standardisation et la préfabrication à la carrière, les pierres arrivant "habillées" sur le chantier. L'emploi du terme dans cette acception est attesté par l'Album de Villart de Honnecourt: "Par ceste saison montons laguile dane tour et taille les moles" (cité par Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l'ancien francais et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, t. 5e, Paris, 1888. Et cf. R. Bechmann, op. cit. pp. 45, 58, 62). Le "modèle" ou "moule" chez Vitruve, que l'on redécouvre au XIIIe siècle, est un module, unité de mesure constituée en général du diamètre ou du demi-diamètre d'une colonne au bas de son fût, servant à régler les proportions d'un ordre d'architecture ou de tout un bâtiment (A. Rich, Dictionnaire des Antiquités romaines et grecques, traduit de l'anglais, Paris, 1987 pour la réédition, p. 410). Le terme "mole" fut également employé pour désigner les caractères d'imprimerie: livre moulé, livre imprimé (XVe s.).

(73) Le "moule" était marqué d'une fleur de lys et l'étalon s'en conservait à l'hôtel de ville. Il servait à mesurer les bois à brûler d'au moins 17 pouces de grosseur, tandis qu'on utilisait la corde pour les bûches inférieures à ce diamètre; ainsi appelait-on le gros bois "bois de moule" ou "bois de compte". Le dictionnaire de Ménage, d'après Du Cange, dérive moule de bois de modulus, qui donna modulator et mouleur (Dictionnaire étymologique de la langue francoise par M. Ménage, nouvelle édition, t. 2e, Paris, 1750, p. 227, col. A-B). Les mouleurs de bois sont mentionnés pour la première fois dans la taille de 1292 où ils sont dits conteeurs de busches. Le Livre des métiers les nomme moleres; l'ordonnance de février 1415 moleurs et molleurs. L'encyclopédie de Diderot et d'Alembert en donne la définition suivante: "Mouleur, terme de rivière, est un officier qui visite le bois, qui recoit la déclaration des marchands de bois, qui les porte au bureau de la ville, qui mesure les membrures, les bois de compte, les fagots, cotrets, et qui met les banderolles aux bateaux et piles de bois contenant la taxe" (Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers... t. 10e, 1767). La locution tombe en désuètude au XIXe siècle (Littré) (cf. A. Franklin, op. cit. p. 94, col A-B).


(74) Pierre Larousse, Grand dictionnaire du XIXe siècle, Nïmes, 1991 pour la réédition, t. 16, p. 631.


(75) "Méreau", du grec méris ou méros, part, portion dans la distribution d'une chose. marque qu'on distribue à des gens pour servir à être admis en quelque lieu, ou pour témoigner qu'ils y ont été, et avoir part à une distribution. Se disait surtout des marques de ce genre données aux chanoines pour leur assistance aux offices (Napoléon Landais, op. cit. p. 408). Le Nouveau dictionnaire de la langue francaise de M. Noël et Chapsal, à Paris, 1833, donne la même étymologie. le Dictionnaire étymologique de la langue françoise,
t. 1er, par B. de Roquefort, Paris, 1829, ajoute à cette racine grecque une source latine: de merenda (en grec, méris, méros), part, portion que l'on donne dans la distribution d'une chose; fait du latin méréo; en grec méirô, je partage, je distribue, je divise. Le mot grec pour "se partager" signifie aussi "obtenir en partage par le sort" (Dictionnaire grec-francais, A. Bailly, Paris). Ainsi en ancien francais, "mérelle" put désigner le sort, bon ou mauvais: un trait de merele, un coup de la fortune; avoir cette merele, avoir telle chance, éprouver tel sort; laisser quelqu'un dans la merele: dans l'embarras, etc... On peut noter aussi à ce sujet que le jeu lui-même se jouait parfois au moyen de dés. On appelait aussi merel tout ou partie d'une écluse (sans doute en ce qu'elle partage les eaux) et certains fossés (fossé méreau, peut-être à propos d'une sorte de fossé appelé mere, servant à collecter les eaux d'un champs venant de divers petits fossés) (Frédéric Godefroy, op. cit.). Cette étymologie grecque s'accorde parfaitement au sens des termes "méreau" et son féminin "mérelle" dans les diverses acceptions qu'on leur donnait au Moyen Age. Elle a été pourtant inexplicablement abandonnée dans le cour du XIXe siècle pour d'autres plus incertaines: d'un type matrellus, matrella, d'où mairelles, marellus, qui serait un dérivé du latin matara, mataris, materis, sorte de javeline (sic?), mot d'origine gauloise d'après Strabon, etc...
(P. Larousse, Grand dictionnaire du XIXe siècle, Nïmes, 1991 pour la réédition. Ménage et Furetière faisaient déjà, au XVIIe siècle, dériver le terme d'un hypothétique ancien gaulois ou celtique madrella, madrellum). D'autres sont très obscures: peut-être d'un radical pré-roman marr, signifiant pierre, étymologie qu'on trouve aujourd'hui dans les dictionnaires, et qui n'est justifiée par le fait qu'on usait parfois de petits cailloux dans le jeu de marelle.


(76) Cf. B. Edeine, op. cit. t. III, p. 332 / Hubert-Fillay et L. Ruitton-Daget, Le Parler solognot. Glossaire du pays de Sologne, Blois, 1933 (nouvelle édition) / Marcel Guillou, Le parler de mon enfance en Sologne et en Blaisois, Chambray-les-Tours, 1998.

(77) La mesure d'un plan était entendue comme un "découpage" en raison des conceptions philosophiques du temps: l'espace, quantité continue, ne pouvait être "réalisé" (c'est-à-dire mesuré) qu'au moyen du nombre, quantité discontinue (et principe de distinction), l'espace initial "passant" par cette opération de l'un au multiple. De la même façon, on considérait au XIVe siècle la mesure du temps (au moyen de l'horloge mécanique) comme un acte de rupture du continuum temporel.

(78) La première traduction latine des Eléments, faite sur le texte arabe, fut rapportée de Cordoue au XIIe siècle par Adélard de Barth. Mais on pense aujourd'hui que la tradition euclidienne se transmettait oralement dans les milieux de la construction avant le XIIe siècle. Euclide est représenté sur le portail de Chartres accompagnant la Géométrie, personnifiée par une femme tenant une planche à tracer.

(79) P. Négrier, op. cit. pp. 67 et 75. Pour le Cooke, la géométrie est mesure de la terre, "... de géo qui signifie en grec terre, et de metrona qui signifie mesure", étymologie encore admise actuellement.


(80) Cf. Georges Ifrah, Histoire universelle des nombres, t. I et II, Paris, 1981, 1994. A ce sujet, et pour aller dans le sens de cette étude, on peut noter qu' il existe au château de Chillon (XVIIe s.) un exemple curieux de table de comptes comportant, outre des signes monétaires, un marellier de type "triple enceinte" et un échiquier.


(81) B. Edeine, op. cit. p. 332; et La Sologne..., t. II, p. 609. Adrien Thibault précise l'emploi du terme "marguillier": Lesdits marelliers nous ont affermé ne tenir, ne posseder autres héritages" (1472, déclaration des marguilliers de Mer). Marguillirer, de "mârelle", fabrique d'une église: "Nous ont remonstré la pouvreté de ladicte marrelle et la charge d'icelle" (1472). Banc des marguilliers: il a été s'asseoir à la mârelle, au banc de mârelle. "Que son corps soit inhumé en l'église de Villebarou pres le pilier ou on met la chandelle de la marelle" (8 déc. 1605, arch. mun. de Villebarou) (Adrien Thibault, Glossaire du pays Blaisois, Blois-Orléans, p. 215-216). Pour mémoire, N. Landais (op. cit.) fait dériver "marguillier" du latin matricularius, de matricula, matricule, rôle. Le matricule était un registre public où l'on inscrivait les pauvres qui demandaient l'aumône à l'église. les marguilliers ont d'abord été gradiens de ces registres et distributeurs de ces aumônes. On a ensuite donné ce nom à ceux qui avaient soin du revenu des églises (marguilliers comptables), puis au bedeau et au sacristain. les marguilliers étaient encore appelé "marelliers" ou "marregliers" (Frédéric Godefroy, op. cit.).

(82) P. Négrier, op. cit. pp. 36-37.


(83) Cf. Bernard toulier, Châteaux en Sologne, Cahier de l'inventaire n° 26, Paris, 1991, p. 300. Sur la "grille comme représentation possible de la structure du cosmos, cf. note 51. Sur le contenu symbolique possible du treillis losangé, voir l'intéressant article de L'art décoratif en Europe. Renaissance et maniérisme, Mazenod, Paris, 1993, p. 44-45: Les entrelacs symboles de la révélation divine.

(84) Isidore de Séville, Etymol. XV, 2; cité par M. Carruthers, op. cit. p. 351, note 31.


(85) L'histoire médiévale du bois de vie parle d'une filiation matérielle entre l'arbre de vie, la poutre du Temple de Salomon, le bois de la Croix (Jacques de Voragines, La légende dorée, XIIIe s.). Un texte du cycle arthurien met en relation ce même arbre de vie avec la construction de la nef de Salomon, avatar de l'arche de Noé mais aussi allégorie du Temple, et celle d'un mystérieux lit en bois (le symbole du lit évoque le repos de l'âme en Dieu dans la spiritualité monastique) servant de support à l'épée et à la couronne du roi David, destinées au chevalier Galaad (Joseph d'Arimathie, v. 1200-1210).




























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