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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 00:25

Serge Ramond est décédé de ce qu'il est convenu d'appeler une longue maladie, un samedi de ce mois septembre 2010. Ce blog n'est pas un site d'actualité (mes quelques visiteurs ont pu s'en rendre compte), et il ne s'agit certes pas pour moi d'inaugurer, par cette bien triste annonce, une nouvelle rubrique où je rendrais compte des faits "saillants" intéressant tout particulièrement la vie du petit monde de la recherche glyptographique, qui est, il faut bien le dire, très petit.

En fait, il s'agit d'autre chose. Pour les lecteurs qui souhaitent s'informer complètement de l'identité et de la biographie de l'homme qui vient de s'éloigner en silence de cette terre, je ne peux que renvoyer au lien le concernant, sur la colonne de droite de cette page. Non. Il s'agit sans doute d'autre chose.

Nous nous sommes connus en quelque sorte par accident, Serge et moi, dans les années 1990, alors qu'était entrepris un programme de restaurations importantes de la forteresse de Loches, et principalement du grand donjon, posant la question de la valorisation et de l'interprétation, pour le grand public des nombreux graffiti qui ornent ses parois. Serge, lui, ferraillait depuis plusieurs années pour obtenir une autorisation d'expertise et de relevés, qu'on lui refusait obstinément malgré sa qualification (qui n'avait évidemment plus à être démontrée) refus motivé par la sinistre affaire Yvon Roy, célèbre faussaire à Chinon, qui rendit obstinément circonspectes les autorités des monuments historiques de la région envers les chercheurs indépendants en matière de graffiti. Mais voilà: la nouvelle décision politique l'emportait maintenant, l'heure était venue pour sa génération d'aventuriers (ainsi sans doute qu'on amalgamait indistinctement tout chercheur indépendant, même honnête) d'un retour en grâce. Quant à moi, je n'avais fait que bénéficier bien innocemment de la conjoncture et de l'appui inattendu des capitaines de la forteresse, Pascal Poirier et Ulysse Jollet (qui fut plus tard responsable du château de Chinon), sans aucun effort, et avec tout à prouver. Je connaissais le musée de Verneuil bien sûr, mais ne savais rien de son auteur. Nous nous retrouvâmes donc, un après-midi et très officiellement, experts attitrés des volontés politiques, qui certes nous permettaient de travailler, mais ne nous souciaient guère au fond ni l'un, ni l'autre, puisque nous n'étions là que pour la recherche. 

Ainsi donc il fallut, pour cet homme d'expérience, excédé et méfiant face au jeune adulte que j'étais, et qu'il pensait de toute évidence une espèce de loup aux dents bien acérées bien décidé à lui voler sa place si durement conquise, une bonne heure de discussion seuls à seuls sur un banc, pour vaincre sa rage contenue et sa suspicion, et je dois dire mon propre trouble d'une situation, qui en fait nous échappait à tous deux. Bref, nous apprimes à nous connaître.

Nous nous sommes peu vus par la suite, et à mon grand regret nous travaillames peu ensemble sur le terrain. L'âge commencait chez lui à rendre moins aisés ses déplacements sur les sites et il ne se sortait pas de ses activités incessantes pour le musée; ma situation personnelle chaotique ne permit pas que se réalisent les chantiers projetés, notamment au château de La Guerche. Cependant nous nous vimes assez, et il n'hésita pas à me faire suffisamment confiance pour me proposer de travailler au musée (ce que je dus refuser à contrecoeur pour des raisons qu'il n'y a pas lieu d'évoquer) et pour me confier une intervention au premier colloque sur les graffiti anciens à Loches, alors que je n'avais aucune autorité véritable en la matière et que ma situation personnelle me rendait assez mal assuré. Il me fit donc confiance. Et c'est un peu de cela dont je voulais parler ici je crois. Suffisamment aussi pour me confier quelques années plus tard, à ma demande, le texte qui me paraît capital sur le fond, d'une de ses conférences pour une nouvelle publication plus large sur ce blog (cf: Le faux dans l'archéologie du trait glyptographique).

Ceci en fait n'est pas un hommage: on ne rend hommage aux morts que sur les monuments du même nom. Or cela, çà n'est pas Serge du tout. Et le musée bien sûr -maintenant légué à la commune de Verneuil- n'est pas un monument de cette espèce. Cest bien, en final, une sorte de lieu qui lui ressemble, pour ce que j'ai pu connaître de lui: un témoin émouvant et capital de la parfaite singularité d'expression, qui pour s'être transmise dans un vocabulaire parfois commun à tous (comme au Moyen Age), ne s'en est pas moins exercée en dehors des cadres officiels, c'est à dire en somme, dans la marge. Qui fait aussi, quoiqu'on en dise, partie de la page.

 

Salut Serge, à se revoir.

 

 

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commentaires

M
<br /> Bonjour Monsieur<br /> Je vous remercie en mon nom pour cet hommage que vous rendez à Serge, mon grand-père (bien que vous n'aimiez le mot "hommage")<br /> Sachez que je poursuis avec mon équipe son travail de recherche...<br /> Cordialement et encore merci pour sa mémoire.<br /> Mathieu Ramond<br /> <br /> <br />
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